dimanche 30 janvier 2011

Nourrir le monstre

Parce que j’adore ça.
C’est mon métier et mon plaisir.
Il commence par vivre au travers moi.
Puis il vit de moi et il finit par vivre sans moi.
Et des fois, le monstre, c’est moi.
Mais je ne me mangerai jamais.
Car le monstre ne doit pas mourir.



Une toile que j’ai fait une première fois au Foufounes électriques l’été dernier, durant la peinture en direct. J’ai retravaillé par-dessus avec de la peinture à l’huile. J’ai pris la photo avant de la vernir. L’original a donc nettement plus de profondeur. Mais pour cela, il faut le voir en vrai, durant l’exposition de février à l’usine 106u (160 Roy est, Montréal).

Et plusieurs esquisses qui m’ont menées jusqu’à cette toile:









mardi 25 janvier 2011

Le monstre du lac des neiges



Nous sommes à Rimouski, il y a vraiment beaucoup de neige. Je vais à l’épicerie et ensuite dans un café où je retrouve une ancienne amie d’enfance. Elle est contente de me voir. Elle a le dos nu et ne porte qu’une serviette pour se couvrir. C’est parce qu’elle a le cou déformé par un goitre et ses seins aussi. Moi-même je suis en sous-vêtements et pieds nus dans la neige. Je n’ai pas froid, c’est comme si c’était l’été. Les arbres sont de couleur rouille.

Nous sortons dans le parc voir un balai de coqs volants aux plumes multicolores. Il y a aussi des chiens saucisses à deux têtes bigarrés comme des œufs de pâque. Mais le coq noir est introuvable. On envoie un gros chien en treillis militaire pour le chercher. Le docteur a deux petits chiens, un terrier et un pékinois. Une grosse femme porte un petit bébé au visage aplatit comme le pékinois. Surtout depuis que le docteur l’a écrasé avec la porte de sa voiture. Cette fois-ci, il coupe la jambe du bébé en claquant sa portière. La mère entre dans une rage folle. Elle s’empare du volant et conduit comme une déchaînée sur les autoroutes.

Elle m’emmène jusque dans la forêt du lac des neiges. Il y a un festival de plongée sous marine. C’est comme si on était l’été, il ne fait pas froid. Il tombe de la neige en grosse grappes de givre humides et tout est blanc sur la route. Nous entrons dans une épaisse forêt boréale. Je veux plonger pour la première fois. C’est compliqué, on doit me trouver un dry suit et on me fait attendre. Finalement c’est le soir et je suis prête. Mais on me dit qu’il n’y a pas d’arme pour moi. S’il m’arrive quoi que ce soit, je n’ai qu’à saluer de la main vers le bas. Je dis que, de toute façon, je n’ai pas l’intention d’être seule. Ce n’est pas cela le problème, me dit-on, c’est qu’il y a un monstre marin dans le lac.

Je ne le prends pas vraiment au sérieux et je demande si c’est seulement un gros poisson préhistorique. Mais les autres plongeurs sont très graves et parlent d’un poisson gigantesque qui proviendrait des océans polaires. Et il est dangereux. J’imagine alors une grosse méduse. Je demande à n’être jamais seule. Et maintenant, il fait froid sur le bateau, l’atmosphère est glacial. Le vent nous fouette le visage de flocons gelés qui semblent nous briser la peau si froide qu’on dirait du caoutchouc, comme nos combinaisons. Personne ne parle et nous allons plonger.

Je suis avec quelqu’un d’autre qui tient un phare de plongée. Au début tout va bien. L’eau est turquoise profonde et silencieuse. Les glaces dérivent au dessus de nos têtes. Soudainement, sa lampe éclaire deux autres ronds éclatants. Ce ne sont pas des lumières mais des objets qui la réfléchissent : deux gros yeux globuleux de la taille d’un autobus. Mon ami éteint son phare et je ferme les yeux. Au travers mes paupières je vois encore jusqu’aux écailles du monstre des abysses et ses dents ternes en rangée de longues épines poisseuses. Pourtant ensuite, il a disparu.

Mes cheveux sont devenus blancs d’un seul coup.

lundi 24 janvier 2011

Le portrait du peintre



Disons que je montre mes toiles dans une exposition collective où je ne connais personne. La galerie est bourrée de monde. On a peine à circuler, à voir les œuvres et à reconnaître les artistes. Habituellement, ce sont ceux qui sont le moins bien habillés. Comme moi. Tout de même, ce soir, j’ai fait un effort et j’ai opté pour le décolleté, à défaut d’avoir mieux à montrer que moi-même, ou mon œuvre. Mais il y en a un pour qui les stratégies de l’apparence n’ont aucune importance. Et j’ai nommé : le robineux de service. Celui qui se glisse en douce dans tous les vernissages pour profiter du vin d’honneur et dîner au buffet. Il m’énerve! Il pue et personne n’ose le foutre dehors au cas où ce serait vraiment un artiste. Il ne parle à personne : the artist’s attitude!

Je vais aller lui parler moi.

-Alors, c’est de vous ces toiles? Dis-je en lui montrant MES toiles juste pour le confondre.
Comble de l’insulte, il me répond que oui, avec un petit air entendu.

Mais pourquoi est-ce que je m’occupe de ce type-là? J’ai l’impression que ça va mal finir pour moi. Je n’ai pas envie d’engager la conversation avec l’itinérant. Mais c’est trop tard. On m’a vu lui causer. Ce qui signifie que si je lui parle à lui, je peux parler avec n’importe qui et, par extension, être intéressée par la conversation : Shit!



Voilà l’autre qui s’est approprié mes toiles pour disserter sur mes œuvres comme si elles étaient les siennes. Bla bla bla à propos de l’intention, de la forme et de je me câlisse complètement du fond. Le tout semblait se diriger vers une soirée ennuyante jusqu’à ce qu’on me demande ce que j’avais fait, moi.

-Ben… exactement ce que l’autre prétend avoir fait. C’est moi Adeline.

Mais figurez-vous que non, ce n’est pas moi. Adeline, c’est le pseudonyme de jeunesse de ce vieil artiste dans la rue qui produit des toiles avec ce qu’il trouve. C’était le nom de sa petite sœur, qui est morte très jeune parce que la vie est donc dure, on crève de faim, il fait froid et plein d’autres trucs sordides qui font que cet homme est une pauvre victime malheureuse, pitoyable et il faut l’aider, il faut être à genoux devant le talent qu’il déploie malgré tout. Quant à moi, je ne suis qu’une petite jeune trop éduquée, trop jolie pour avoir du talent et travailler fort.
Bien vite, c’est moi qu’on va flanquer à la rue.

Ça ne m’est jamais arrivé, mais parfois j’ai l’impression que si j’étais un vieil homme barbu, j’aurais plus de crédibilité en tant que peintre.

jeudi 20 janvier 2011

La comptine de la prise


J'ai déjà dessiné ce truc. Mais je ne sais pas davantage à quoi ça sert.

Une ville touristique, toute blanche, est située au creux d’un fjord sur le bord d’un lac. En fait, il y a deux villes comme ça, l'une en face de l'autre. Elles sont au pied des montagnes et de chaque côté du lac. Un pont très haut, avec une voie ferrée, traverse le lac au dessus du fjord, pour rejoindre les deux montagnes. Un peu comme le Tracel de Cap-Rouge. Les habitants des deux villes sont mécontents. Il s’agit d’une contrée isolée et ils sont sous le joug du monopole de deux compagnies qui sont les seuls distributeurs à se rendre jusqu’à eux. Les hôtels Paradise et l’empire bleu (Sears). Dans le port, sur le bord du lac, entre les piliers du pont, il y a ma confiserie d’art. Nous allons dans un restaurant très chic où nous mangeons un confit d’oignon gélifié au vinaigre balsamique sur des croûtons de pain sec.

mardi 18 janvier 2011

Loto-critique



Je suis en vacance dans un chalet en forêt avec des amis. Une fille me demande ce que je pense de ce qu’elle fait en dessin et en BD. Je n’ai pas envie de lui donner mon avis et lui demande pourquoi elle veut savoir ça. Elle dit que j’ai une bonne scolarité, de l’expérience et beaucoup d’estime de la part de mes contemporains. J’hésite. Elle veut absolument que je sois franche et je ne veux pas. Parce que je suis très exigeante et c’est assez rare qu’une œuvre me jette à terre, donc je ne suis jamais honnête dans mes critiques. Mais bon, ça a l’air d’être vraiment important pour elle alors je m’exécute.

Je lui dis que son illustration commerciale n’est pas assez maîtrisée ni consistante pour qu’elle puisse espérer en vivre. Et que son travail personnel est trop insipide pour lui survivre. Il faut en avoir bavé plus que ça pour pondre quelque chose d’intéressant. Et je rajoute que ça n’existe pas les bédéistes mondialement célèbres à 20 ans. Il y en a, c’est sûr, mais ce n’est pas nécessairement un exemple à suivre. Ils font ce qu’ils font, toi, tu fais autre chose. Travaille très fort et, dans dix ans, quand tu auras mon âge, tu feras peut-être quelque chose d’intéressant.

Alors la jeune fille est très triste. Elle pleure et elle me demande qui je suis pour dire ça. Je réponds que c'est ce qu'elle voulait: j’ai une maîtrise, de l’expérience et un statut professionnel. Tous ses amis se liguent contre moi. Ils m’accusent d’être prétentieuse et orgueilleuse. Ils commencent à me lancer des chiffons et à me donner des coups d’oreillers. Ça dégénère dans une grande mêlée de plume et d’édredons qui volent jusqu’au plafond. Et ils finissent tous par aller s’amonceler dans un coin du lit pour se cacher dans des gros toutous ronds pleins de couleurs jusqu’à faire un beau monticule de peluche.

Le mari de la fille que j’ai insultée vient me voir pour me chicaner. Et quand je lui dis que sa femme n’a eu que ce qu’elle voulait, il me trouve vraiment méchante. J’aurais donc dû lui mentir à cette fille et lui dire que ce qu’elle fait c’est « bien » (donc magistralement ordinaire). Un peu découragée par tout ça, je sors du chalet.

Et alors je vois quelque chose d’extraordinaire. La mer s’est retirée et une vague gigantesque domine tout. Je suis bien davantage impressionnée qu’effrayée. La vague est d’un bleu clair ahurissant. Une eau plus pure que le cristal recouvre le ciel éclatant. Vite! Je grimpe le long d’un mât pointu comme une aiguille. Et je m’agrippe fort fort fort. Je prends mon souffle, la vague passe une fois, et je reste. J’inspire encore, la vague reflue. Et elle revient encore, et encore, et encore… Entre chaque passage, je respire et je garde mon air. Jusqu’à ce que ce soit fini.

La mer s’est retirée. Il ne reste que du sable et des débris d’habitation. Plein de poissons et d’algues s’accrochent aux arbres comme des cheveux, des méduses gigantesques sont collées sur le ventre des édifices, des étoiles de mer et des poulpes. Mais le pire, ce sont les ophiures géantes dont les bras sont des serpents corail. Même quand leurs tentacules sont arrachés, ils peuvent encore mordre. Elles se cachent et me poursuivent. Mais ce jeu ne peut pas durer éternellement car elles doivent bien vite rentrer sous la terre, sinon elles vont sécher. Le sable est recouvert de marques spiralées et toutes entortillées à l’endroit où elles se sont enfouies. C’est magnifique.

Il n’y a plus personne, sauf moi, et des petites enfants. Je revois soudain le mari de la fille insultée. Nous nous promenons dans la ville détruite. Il me montre les belles nouvelles bottes de cow-boy que son fils lui a achetées. Moi je suis en sandales. J’étais pieds nus pour grimper sur le mât. Je trouve que ça doit être plus confortable de se promener avec des bottes dans le sable mouillé. Mais ses bottes n’ont l’air ni confortables, ni pratiques. Elles sont en cuir végétal, tout rigide, beige clair et magenta éclatant, avec des roses sculptées. Il dit que ses bottes ont une bague au gros orteil et que c’est exactement ce qu’il lui fallait car ses anciennes bottes avaient le gros orteil défoncé. Il est très fier de son fils.

lundi 17 janvier 2011

La vie ne tient qu’à un fil

J’ai parfois l’impression d’être suspendue les pieds dans le vide au bout d’un cordon qui serait attaché au sommet de ma tête. La plupart des gens ne s’en rendent même pas compte. Ils se balancent sur leur amarre jusqu’à finir par oublier qu’ils ont des membres. Leurs bras s’atrophient de ne jamais servir et leurs jambes aussi. Ils sont comme des petites boules toutes pareilles. Des fois, ils s’entremêlent sur le fil des autres, ou ils se collent ensemble et ne savent plus se déprendre. Il y en aura toujours un pour dire : « C’est moi le chef. » Et un autre pour répondre : « On est tous pris ensemble de toute façon. »



Moi, au lieu d’utiliser ma corde pour me pendre, j’ai décidé de grimper dessus. Je ne suis pas la seule. Nous sommes beaucoup comme ça. Mais c’est très difficile de grimper. Je ne peux pas lâcher. Si je laisse tout aller et que je retombe au même niveau que les autres, le choc sera trop brutal, je risque d’en perdre la tête. Alors je continue, toujours vers le haut. Parfois, je croise une corde seule, avec un crochet au bout. Je peux enfin l’accrocher sur ma tête et me reposer un peu. Je pourrais en rester là. La vue est déjà bien mieux ici. Et ça me fait une sauvegarde : je ne retomberai jamais plus bas que cette étape, à moins de vraiment le vouloir.



Plus je monte, plus ça devient difficile, mais plus il y a de crochets. Un jour, j’espère franchir la barrière de nuage pour arriver jusqu’aux étoiles. Je pourrais monter encore plus haut. Ce sera de plus en plus ardu de grimper : il fera froid, il n’y aura pas d’air. Mais à chaque millimètre de gagné, ce seront des milliards d’étoiles de plus qui se rajouteront à mon ciel. Jusqu’à ce que je sois parvenue aussi haut et que je devienne l’une d’elles.

mercredi 12 janvier 2011

Le vol des amants

Un poème de Madeleine Hébert
La Maison du Vert Polis
ISBN : 978-2-9811339-2-2



Je ne sais pas comment vous dire jusqu’à quel point j’ai eu du plaisir à illustrer ce livre. J’imagine que les illustrations le montrent. En plus, il semblerait que ce ne sera pas le dernier projet de ce genre. Alors je fais comme les oiseaux : Je plane.









Vous pouvez feuilleter le reste sur mon site web.

mardi 11 janvier 2011

Écorssaire



Habituellement, quand on parle d’un canot d’écorce, ce n’est pas de ça qu’il s’agit.

lundi 10 janvier 2011

Nevermore




















Modèle vivant au Dr. Sketchy. Sur leur site, vous pourrez voir quelques photos de la séance et de moi.
Merci à Lou Lou le Duchess de Rière qui a posé pour nous.

mercredi 5 janvier 2011

Adeline au pays des rêves



Bienvenue dans mon futur nouveau projet BD!
Je me suis fixée comme objectif de terminer Chimeris et d’imprimer l’intégrale pour le festival de BD de Québec 2012. Ce qui veut dire qu’à ce moment-là je vais vouloir continuer à faire de la BD et que mon scénario devra être déjà écrit.
Mais un scénario de BD sur laquelle je prévois plancher 5 ans, ça se mûrit.
J’espère que vous aimez lire mes rêves car il y en aura de plus en plus. Je vais compiler tous ceux qui sont sur ce blog, en plus de tous ceux que j’ai déjà fait avant, et de ceux qui viendront. Je vais piger mon prochain scénario de BD directement à cette source. Alors ce sera moi, Adeline, au pays des rêves. Une grosse BD de 300 pages, et en couleurs cette fois-ci. Donc, d’ici à ce que j’ai terminé Chimeris, il ne sera pas rare de croiser ça et là quelques ébauches de mon nouveau projet.
Éditeurs, soyez prêts!
Je n’abandonnerai jamais et je vous aurai à l’usure, je vous le jure!!!

mardi 4 janvier 2011

Les intra-marins



J’ai reçu en cadeau une petite créature dans une boîte de chocolat Abuelita. C’est un genre de petit monstre qui ressemble à un dragon-cochon gros comme un hamster. Il a une sorte de courte trompe et parle d’une voix nasillarde en disant des : « Yoy! Yodoï! Yodeï! » J'ai l'impression que j’ai oublié de le nourrir depuis quelques jours et qu’il a très faim. Je ne me souviens plus ce qu’il mange. C’est écrit sur la boîte mais dans un autre langage. Je crois qu’il ne peut manger que des trucs blancs, gras ou sucrés, comme du sucre et de la mayonnaise (la margarine ça ne fonctionne pas).

Je ne pensais plus à lui parce que j’étais très occupé. Notre village est sur le bord de la mer et il a été envahit par des extra-terrestres. Ils ressemblent à des mantes-religieuses géantes qui ont des tentacules dans la bouche. Et il faut les aider. Ils vivent en symbioses avec des roches poilues qu’on trouve dans les rapides d’une rivière. Ils parlent le langage de la porte mais nous ne comprenons pas ce qu’ils disent. Nous remarquons alors que les vagues ont de drôles de formes. C’est parce qu’elles sont soulevée par leur vaisseaux. Ce ne sont pas des extra-terrestres, finalement. Ils viennent de la mer. Ce sont des intra-marins.

lundi 3 janvier 2011

J’ai caché un secret dans mon p’tit gâteau



Un gâteau sans gluten.
Un cadeau pour vous.
Mon gâteau, il est délicieux, mais personne ne peut le manger, même pas moi.
J’aime les gâteaux que je ne peux pas manger, ils sont tellement beaux.
Et ils seront toujours beaux, car personne ne les mangera.
C’est comme le secret qu’il y a dans mon gâteau. Nul ne le saura jamais, sauf moi.