dimanche 21 septembre 2008

Assomption bronchoscopique

Une nouvelle toile de chirurgie que je viens tout juste de terminer.
Elle sera exposée à l’Usine 106U au mois d’octobre.
Ce qui sera sans doute ma dernière exposition là bas.
Car l’usine fermera ses portes pour cause de «la bâtisse est vendue».
Ce n’est certainement qu’un déménagement, faudrait être fou pour croire qu’Éric Braün a dit son dernier mot.

J’étais positivement écoeurée des toiles turquoise, alors j’ai décidé de faire des blouses rouges. Sauf que le turquoise fait partie des éléments du langage pictural démontré dans les œuvres de cette collection. Je ne voulais pas la renier complètement. En mélangeant un jaune de Naples du commerce avec mon bleu de Prusse maison, j’ai réussi une teinte de vert hôpital que j’adore. J’en ai eu des frissons tout partout et une incommensurable ivresse quand j’ai vu cette teinte si douce naître au cœur de ma palette.

Acrylique sur toile, 24"X30"

Acharnement thérapeutique, quête du savoir?
J’ai parfois un peu l’impression que les docteurs perdent le sens de leur profession lorsqu’ils ne daignent pas nous expliquer la nature et la provenance de nos malaises. Quand la compassion cède le terrain à l’honneur du titre et l’appât du gain. Le patient est un symbole. Ce qui compte, c’est la maladie. Pourtant, ils sont humains. Et qui sait, peut-être malade un jour eux aussi. Et c’est sans doute ce qui les angoisse le plus.
Mais d’un autre côté, la réalité d’un hôpital est monstrueuse. Comment y évoluer journellement sans établir de distance? Ce paradoxe me fascine.


Je me suis inspirée d’une photo que j’ai pigée dans les vieux livres de mon grand-père, qui était docteur. Je l’ai simplement projetée sur la toile pour ensuite la modifier à mon aise.

11 commentaires:

Anonyme a dit…

L'art et la médecine -- ou la sciences -- ont déjà été fort proches.

L'art aura aidé la science à s'extraire du dogme religieux, cependant que les peintres servaient principalement le religieux par le biais du mécénat.

Des "païens" comme Rembrandt auront commencé à explorer
des sujets plus obscurs? Tels que "La leçon d'anatomie".

Si l'académisme en art -- pompier -- a été renié, et que les artistes ont explosé la toile et l'expression, en revanche les scientifiques sont demeurés cloîtrés dans les universités.

Peut-être est-ce qu'aujourd'hui, la science est devenue un autre dogme, l'expression du conformisme?

Anonyme a dit…

Oui, dur de regarder ça sans que l'angoisse monte. En même temps, j'adore l'humour que tu y injectes : le grotesque mais aussi les fraises, c'est vraiment une bonne idée : l'aspect farce, théâtre bouffon...
Le choix du rouge aussi : un rouge vulgaire qui avec le vert hôpital (vert-vomi, tu permets???) crée des contrastes violents et un effet de surcharge qui créent plus de malaise.

Je trouve ça vraiment stimulant d'avoir découvert ce blog la semaine dernière!

PS. ton bleu de prusse "maison", tu le fais avec des pigments de chez Kama (la caverne d'Ali Baba!)? Ici j'en ai, mais il tache tellement que j'ose à peine ouvrir le pot.

Anonyme a dit…

J'en rajoute parce que je trouve le commentaire de Guy (ou guy??) intéressant.

La science n'échappe pas au conformisme parce qu'elle a besoin de fric pour se développer et que pour en avoir, elle doit forcément se mettre au service de l'ordre établi. Révolu le temps du labo au sous-sol de chez de Marie Curie, le grand collisionneur de hardon, qui a coûté près de 6 milliards de dollars en l'illustration frappante.
L'artiste peut-être libre s'il le veut, parce que son doigt dans le sable peut suffir à faire quelque chose. Ou alors il peut se servir, justement, des produits de ce monde gouverné par le fric qu'il peut récupérer (recycler), auquel il peut faire subir un détournement de sens radical, etc.
(Ceci dit sans verser dans le mythe de l'art, du créateur etc.)

Anonyme a dit…

encre, j'aime bien ce blog moi aussi! Je trouve que commenter du contenu original (de qualité, il va sans dire) est rafraîchissant.

Je me demandais, puisque cette toile est terminée, j'osais pas trop demander mais, le personnage de droite il est pas terminé je me trompe?

Anonyme a dit…

Tu as sûrement raison mais allons-y de nos interprétations pendant qu'Adeline n'est pas là (héhé!) Pour moi, j'y vois un spectre parmi les vautours.

Arkvaender a dit…

Très `belle` peinture! Ce genre d'image est du compost pour l'imagination. Du compost frais, qui pue mais qui est combien fertile :)

Pour ajouter à la discussion :

Jadis la médecine était un art. Vous savez quoi ? Je suis bien heureux qu'elle ait évolué en une science! Et là je n'enlève rien à l'Art et ne souhaite pas non plus que l'Art en tant que tel 'évolue' en une science.

Ceux qui se servent des résultats de la Science ne sont pas nécessairement des scientifiques, et c'est un peu ça le problème. On oublie ce que veut dire le qualificatif scientifique, on considère un modèle comme une réalité. C'est ici que ça dérape.

Adeline Lamarre a dit…

D'un autre côté, Guy, c'est en grande partie la religion qui a permit à l'art de se développer. Mais il a fallut attendre la renaissance pour que l'artiste émerge de son art et que celui-ci s'émancipe des dogmes.

Mais, comme tu dis, je trouve aussi que la science est devenu un dogme. Par contre, demande à n'importe quel physicien. Si un jour nous avons la chance de croiser une race E.T., il est presque certain que leur conception de la physique détruira complètement la nôtre. On oublie trop souvent que tout l'édifice de la science ne tient que sur un fil de toile d'araigné.

Encre: Le grotesque oui, tu a visé très juste.
Je viens moi-même de découvrir ton blog. Ton travail est vraiment superbe. Et tu as raison pour le bleu de Prusse. (D'ailleurs je serais vraiment dû pour une épicerie chez Kama.) C'est un pigment qui m'a tout de suite charmé, sans doute justement à cause de son caractère difficile. Ouish! il est hyper envahissant. Surtout à l'huile, c'est catastrophique. Mais quand vient le moment de le broyer avec l'acrylique, y veut pus rien savoir...

En fait, allons plus loin que l'art, le monde a bien besoin de libre-penseurs.
Qu'ils soient informaticiens, docteurs, professeurs, géographes, cuisiniers...
Je crois qu'en art nous avons l'avantage de pouvoir donner forme à notre pensée.
Mais... il faudra quand même toujours de l'argent pour acheter des pinceaux ;-)

Ha! Ha! Guy!
Oui, le personnage de droite est terminé. C'est vrai que la technique utilisée pour la femme en jaune est beaucoup moins "lichée". C'était voulu.
Comme le dit Encre, c'est bien un spectre, quelqu'un venu d'ailleurs, d'un autre monde.
Quand à savoir si c'est réussis...
Hum...!
Je trouve que ça fonctionne bien mais je vais y penser.
Je voulais utiliser la touche picturale comme symbole. Car c'est bien une peinture, bidimensionnelle, et rien d'autre.

Anonyme a dit…

"Ceux qui se servent des résultats de la Science ne sont pas nécessairement des scientifiques, et c'est un peu ça le problème. On oublie ce que veut dire le qualificatif scientifique, on considère un modèle comme une réalité. C'est ici que ça dérape." --
Je suis d'accord.

Anonyme a dit…

Il faut dire que l'oeil droit et le bras droit donnent un peu l'impression que la toile n'est pas terminée. Le personnage spectral devrait avoir un contour bien défini pour souligner sa spectralitude (duh).

Adeline Lamarre a dit…

Un toile qui fonctionne, pour moi, se capture dans l'instabilité: elle repose sur une tension.

Anonyme a dit…

Suggestion: prendre la photo originale la rephotographier et agrandir le personnage puis faire un collage de la photo sur la toile. Une idee comme ca... je suis pas l'artiste.