Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu mon ami l’auteur. Mes livres sur la réalité mystique semblent le laisser perplexe. Il ne comprend pas qu’une telle chose soit possible, et que l’on puisse y croire sans perdre la raison. Pourtant c’est vrai, je l’ai vu. Les créatures de l’autre monde existent, elles peuvent manipuler notre plan de réalité. Et moi aussi j’en suis capable. Le monde n’est pas aussi tangible qu’on puisse le croire.
On guide mes pas vers le manoir d’une secte de vampire. Ils m’ont drogué, un démon manipule mon esprit et je vole en semant la confusion autour de moi. Les gens me fuient. Je suis prisonnière et mon amant aussi, qui est aussi mon frère. C’est mon double, une autre partie de moi. Les vampires nous isolent pour compléter notre initiation et nous font faire des choses abjectes dont je ne veux plus me souvenir. Je refuse de devenir l’un d’eux, mais mon autre moi aime ceci. Pour le punir, j’enfonce des lames de rasoir dans ma peau et je regarde le sang s’écouler. Je leur fais croire que je suis devenue vampire comme eux alors qu’en fait j’ai décidé de conserver mon humanité. L’épreuve doit se terminer par la cérémonie de l’épée. Une longue lame violette historiée d’or doit se plonger dans notre corps à tour de rôle. Nous entaillons nos nuques à l’aide d’un canif à manche de momie d’ébène pour que la fontaine de sang ruisselle le long de l’arbre vertébral.
La plus jeune fille vampire possède une bague sur sa main en squelette. Elle ne parvient pas à enfoncer le minuscule bouton pour l’enlever. Une roue d’engrenage évidée en orne le sceau. Lorsqu’elle parvient enfin à retirer l’anneau, une minuscule pièce du mécanisme tombe sur le sol et se perds dans les méandres complexes de la marqueterie qui s’enfonce profondément dans le plancher. C’est seulement ainsi qu’on pouvait ouvrir la porte secrète qui donne accès au fauteuil de la gériatrix; un trône de pierre froide recouvert de rouages sur lequel, pour s’asseoir sans mourir, il est indispensable de posséder la bague intacte. Les ancêtres vampire en ont besoin pour transmettre leur descendance, c’est la seule façon d’y parvenir. J’en profite de ce qu’ils sont absorbés par leur manège pour ouvrir tous les stores et laisser la lumière du jour baigner l’intérieur du manoir. Je peux ensuite me sauver.
Les vampires doivent reculer jusque dans les souterrains de leur terrible castel. Là où les parois de chair brûlée dégagent une vague pourriture et des toutous troublants s’amoncèlent dans les coins. L’engrenage manquant a roulé jusqu’ici et les vampires doivent demander à leur demi-frère, les goules manquées, pour le retrouver. Ils sont débiles et ressemblent à des adultes aux visages d’enfant. Leurs mains poisseuses débordent de crème guimauve au tournesol infesté de vers dont ils s’empiffrent. C’est le gigantesque canard jaune-orange en plastique velu qui possède la clé.
Pendant ce temps, je vais chez une amie japonaise qui, un jour par semaine, prend la forme d’un serpent marin rose et argent. C’est le jour de la transformation et j’accède, avec mon ami le poète, à sa bibliothèque secrète. S’y trouvent plusieurs livres que j’ai lu, comme « Le bébé de Rosemary » et d’autres romans d’Ira Levin, ainsi de que de Lovecraft, dont surtout « L’affaire Charles Dexter Ward ». Mais le plus important, Melmoth, n’y est pas. Et dans ce livre se trouve une strophe qui, si elle est lue le jour de la transformation, fera venir les démons sur terre. Les vampires s’en sont déjà emparés.
mardi 22 novembre 2011
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