lundi 30 mars 2009

La présence du vide


En voici un qui, comme moi, a trouvé l’hiver pénible.
Mais, heureusement, il semblerait que ce soit fini (mais je ne voudrais pas parler trop vite).

L’homme étant un animal social, il m’arrive quelque fois de me faire déranger par des curieux un peu moins respectueux que les goélands… ou cet écureuil qui m’en veut sûrement de ne pas lui avoir donné l’arachide qui traînait sur la table.
Cette fois-ci j’ai accueilli le promeneur oisif d’un «Quessé tu veux?» tellement peu amène qu’il a battu retraite en bredouillant «Avez-vous l’heure?»

Bon, j’ajouterais, pour son bénéfice, qu’il voulait peut-être effectivement seulement me demander l’heure. Mais, avis à ceux qui pourraient s’y laisser prendre : faut pas me déranger quand je dessine parce que… ça me dérange.

Cette fois-ci, je voulais encore dessiner de l’eau et des reflets. Mais il est un peu tôt dans la saison. Les sentier ne sont pas tous agréablement praticables et il reste beaucoup de glace.

J’aime bien ce dessin, mais je ne suis pas fière de mon œil. J’aurais voulu capter chaque feuille morte, chaque brindille, chacune des petites écailles d’écorce… mais j’ai déclaré forfait. Et je n’ai suggéré l’eau que par l’absence.

samedi 28 mars 2009

L’iris-mine

Les étrangers qui forment mon quotidien sont des livres fermés dont je ne comprendrai sans doute jamais le langage.

Paysage intime, mot prothèse, oeil volubile.

Geste de l’abstraction : Quand la hanche devient une plaine, j’y vois l’herbe agitée comme la houle par le vent, et le galop des chevaux.

Parler sans rien dire
Je capterai ta voix, avec mon œil de lynx
Avec mon œil de sphinx, trouver ta parole
La recracher sur papier… mon œil de sphincter

J’ai perdu la vue, dans les replis de ta peau
Ouvrir les bras, respirer par le coude
Petite peau dure, peau de crocodile sur le bout d’un pli déplié
Quand elle se ratatine, on dirait un visage
Chaque pore, c’est ton œil

Tu me vois de partout, même sans me voir
Et moi, je suis aveugle de tout sauf
Quand mes yeux se ferment.

Le parchemin de ma paupière tendre est devenu ton visage.

Merci à Carla qui a posé pour nous aux ateliers de modèle vivant de l'AIIQ.

mercredi 25 mars 2009

La sibylle du mur clos

J’ai trouvé le peuple termite, là n’est pas le problème. C’est quand je les ai interrogé sur la servante des fourmis qu’ils sont devenus méfiants. Et je n’ai pas réussis à trouver pourquoi.
J’ai accepté un défi ridicule. Qui sait s’il ne m’emportera platement jusqu’au royaume de Dame la Mort, ou si je finirai par sortir de ce trou?
Je n’ose me poser la question. Je le pourrais... j’hésite.
Tout ce qu’ils m’ont donné avant de m’emmurer, c’est une boule de cristal.



(Un petit dessin à main levée, stylo à bille.)

Je vois…. Mes doigts déformé qui la tiennent.
Je ne la quitte plus des yeux.
Nuage de mes rêves, entre dans mon esprit.
J’y pénètre, elle m’absorbe.

Combien de jours ainsi?
Sans manger, ni boire?

Et où suis-je au juste?
J’étais dans un petit trou creusé au sein de la falaise, au dessus des vagues.
Tout juste assez gros pour que je puisse me retourner, sans étendre les jambes.
Et maintenant, c’est la voûte d’une cathédrale qui me surplombe.

Par tout les dieux? Mais quel est ce monstre? Comment était-il avec moi tout ce temps?

Merdre! C’est une fourmi. Je suis devenue minuscule en passant au travers de la boule de cristal.

Danaev

lundi 23 mars 2009

Hibernaculum

Seule à la fenêtre pour compter les flocons qui tombent.
Un doigt humide tourne les pages d’un livre.
Elles sont toutes vides.

J’ennuie même le temps, qui ne s’écoule plus.
Dormir sans rêves, ne plus se lever.
Marcher et ne laisser aucune trace.
Regarder devant soit, ne rien voir.

Ce matin, j’ai regardé derrière moi et j’ai vu mon ombre.



On sait que la saison douce est de retour quand le modèle vivant se fait plus rare et que je vais dessiner au jardin botanique.

Le mois de mars au jardin des premières nations.

dimanche 22 mars 2009

Pourquoi un visage?

C’est un dessin. J’aurais pu tracer une pomme de la même façon, ou un vase. Mais, ceux-ci ne m’auraient sans doute pas regardé.
Ce ne sont que des traits de crayons, mais la forme crée me considère un peu de la même façon que le modèle m’observait en posant. Sauf que maintenant, il ne me voit plus.


Mais sa présence persiste.
Comment un signe peut-il devenir œil, et par delà, regard?
Cela vient probablement du fait qu’on puisse reconnaître le nez, la bouche et, surtout, l’autre œil.


Tout visage n’est pas davantage qu’un assemblage ordonné (toujours le même) d’orifices, ces trous par lesquels on prend contact avec le monde: nos sens. Les mains aussi nous servent beaucoup dans nos échanges avec l’extérieur : c’est le rapport avec l’instrument (qui devient bien souvent un prolongement de notre corps).
Est-ce un hasard si ces parties de notre anatomie sont les plus expressives?


Le corps tient en très peu de chose, une ligne, un point… pourquoi pas une lettre?


La façon dont je me perçois dans le monde, et comment je le laisse venir à moi, transformera les lieux d’échange de mon visage. Mon rapport à l’instrument me moulera à sa mesure. La peau, est une porte sur l’âme.


Merci à Zylia qui a posée pour nous aux ateliers de modèle vivant de l'AIIQ.

vendredi 20 mars 2009

L’art de bien faire…



Est-ce que l’art de bien faire, c’est faire le bien? Où c’est faire quelque chose, mais de bien le faire, même si c’est mal? Et puis le bien, de toute façon, est-ce que ça peut être relatif?
Si ça me fait du bien de faire du mal, est-ce que ça me fait mal de faire du bien?

Et pis…

Si tout le monde sont mauvais autour de moi, si je fais bien, est-ce que pour eux ce sera mal … ou bien?
Et si quelqu’un est vraiment très malheureux, et que je lui fais du mal, est-ce qu’il sera forcément plus malheureux que quelqu’un qui était heureux au départ et à qui je ferais le même mal? Et le contraire? Et le corollaire? Et la projection orthogonale? Et la transformation en coordonnées six-dimensionnelles dans un espace de Calabi-Yau?

Après tout, on ne vaut guère mieux qu’un front d’onde quantique s’effondrant au travers des états probabilistes…

(Merci Orphu. –Olympos– Dan Simmons, p675)

mercredi 18 mars 2009

Suis-je ce que je vois?

Le modèle vivant est une performance sans spectateur. L’esprit de l’artiste participe à la scène pendant que sa main travaille.


Un lien profond se crée entre le modèle et l’artiste, une communication au-delà des mots d’une grande honnêteté. Plus que l’apparence physique, c’est la personnalité d’un modèle qui détermine la préférence des peintres.


Un corps nu, c’est bien davantage qu’une simple peau. C’est une frontière imperméable, d’autre fois non, une membrane osmotique, une enveloppe qui abrite des sentiments, des habitudes, des tics, des passions et des hantises…. La peau transpire ou frissonne, elle est flasque ou ferme, émaciée, brune ou rose, c’est la peau formelle, celle qui s’observe et se dessine.


Les jambes deviennent des lignes, des courbes, des hachures, de simples traits. Le cerveau ne perçoit plus de corps, la main trace sans avoir aucune idée de ce qu’elle fait, les yeux projettent une vision sur la feuille.

La forme prend corps.
Le corps d’un autre.
Celui que j’observe … traverse mon corps.
Je suis un instrument.
Je prends plaisir à ma fonction.
Est-ce que je me dessine sous le corps d’un autre?
Dans ce cas, qui est vraiment sur la feuille?


Merci à Julie et Yannick qui ont posés pour nous ce soir là chez Claude.

lundi 16 mars 2009

Lapins images…

Lapins idées…

Je ne sais pas trop pourquoi les lapins.
Des lapins qui volent au gré des visages dont ils prennent la forme.
Bientôt, plein plein de lapins en chocolat.




C’est un dessin automatique, c’est venu comme ça.
L’autre jour je lisais à propos de l’automatisme gestuel qu’une telle démarche était nécessairement vouée à la répétition. Un peu comme on disait de Jackson Pollock. C’est-ce qui arrive quand on réfléchit après le geste.

J’imagine que ça peut aussi se produire dans le domaine des idées. Laissé à lui-même, l’influx électrique du cerveau finira par toujours emprunter les mêmes chemins. Personnellement, ça m’angoisse beaucoup.
Encore plus terrifiant : ne pas savoir qu’il en est ainsi, plafonner sans même s’en rendre compte.
Et le paroxysme de l’effroi : Être sa propre prison.
C’est d’ailleurs mon seul cauchemar : je suis claustrophobe.

dimanche 15 mars 2009

Le matin du dernier refuge

Bientôt, nous n’aurons plus rien à manger.
Il ne restera que les chiens.
Déjà, ils nous regardent avec du sang dans les yeux.
Ce qui me fait dire que, si nous ne faisons pas vite,
Ce sont eux qui nous mangeront.

Fais comme l’ermite.
Je lui emporterai nos prières.
Des racines pousseront de tes rêves.
Regarde très fort le soleil.
Je crois qu’il ne se lèvera pas.


samedi 14 mars 2009

La mariée de glace

En revenant du stade olympique la semaine dernière, avec Arka, par un temps particulièrement doux, j’ai entendu ceci :

Une française (reconnaissable à son accent) demandait en ces termes à son copain québécois (reconnaissable pour la même raison) si le purgatoire allait s’éterniser encore longtemps :

-J’en ai assez, dit-elle, je t’en pris, je t’en supplie, dis-moi que l’hiver est fini, vraiment terminée, et pour de vrai!

Bien qu’on se doute de ce qu’il va dire, mais juste pour le plaisir de voir comment il allait le lui traduire, on ralentit le pas pour ne rien manquer de sa réponse.

-Non. laisse-t-il tomber simplement.

Autour de nous la glace fondait à grand torrent, créant de superbes pains de sucres sur le toit du stade, ou pendant comme des épées de Damoclès.




Fiancée avec l’hiver, ensevelie dans un trop lourd sommeil
De temps en temps elle s’éveille pour remonter sa couverture de glace
Parfois elle y pense et elle se rendort
Un jour elle en aura assez
C’est bientôt l’heure du divorce
Sauf que… il va peut-être lui manquer
Il est si doux, si calme, si vaste dans son austérité
On peut tout lui dire, quand il fond, il l’emporte avec lui
En attendant, l’étau se resserre pour une dernière étreinte
Mais au bout de ses doigts, l’eau s’écoule déjà
Juste assez, pour laisser tomber un minuscule anneau d’or.

Illustration pour le Fanzine Horrifique. La nouvelle «Silence marital» par Véronique Carron.

vendredi 13 mars 2009

Qui est le modèle dans le nu?

Le métier du corps, une profession dont on ose peu parler : modèle vivant. C’est un homme ou une femme, selon les préférences, l’inspiration, la technique… ça dépend de l’artiste.


Il est peut-être jeune et athlétique, vieux et décharnée, elle pourrait ne pas se raser, dénouer ses cheveux et prendre des poses naturelles. C’est un professeur de yoga, il pratique ses figures de méditation. Elle fait de la danse?


Il n’y a rien de précis qui puisse permettre de caractériser un modèle nu. Ça pourrait presque être n’importe qui. Ils sont là, tout simplement, et nous offrent leur corps. Mais, à partir de ce moment, ils ne sont plus n’importe qui.


Le métier de modèle demande certaines facultés qui lui demeurent inaliénables. Outre une certaine discipline physique, il est important pour celui qui pose dévêtu d’être en paix avec son corps, de l’accepter comme il est.

D’avoir confiance en la bonté des gens, car le modèle est vulnérable.
Il nous offre bien davantage que de partager la vision de son corps, il s’offre à nous; à notre jugement et notre perception.


D’un autre côté, le modèle doit aussi savoir s’effacer, devenir sujet. Laissant derrière lui son identité et son rôle social en même temps qu’il quitte son propre linge. Ne pas imposer sa vision, laisser l’artiste prendre ce qu’il doit.


Merci à Dominique qui a posée pour nous à l'AIIQ.
Quelques réflexions sur l'art du nu et le métier de modèle vivant. Je vous offrirai la suite de ces élucubrations avec mes prochains dessins. En attendant, je serais heureuse de lire ce que vous en pensez. Cela ne peut que faire évoluer ma démarche.

mercredi 11 mars 2009

L’agenda d’une araignée

Araignée du matin, chagrin
Araignée du soir, espoir
Araignée du midi, bon appétit.


Aujourd’hui, des gens sont venus chez moi pendant que je travaillais à oublier ce que j’ai à faire. J’ai travaillé fort puisque je n’ai rien fait. Témoin d’un autre royaume pour m’en distraire, mais je ne suis pas allé jusqu’à leur offrir le café.
Je n’ai absolument rien à dire : c’est déjà quelque chose à dire.
Une lettre morte, c’est une lettre qu’on a oubliée et qui est toute seule, sans mot.
Broyer du noir, ce n’est pas très propre et je déteste les idées sales.

lundi 9 mars 2009

Florès -12



Ouf! J’ai manqué de temps pour ma BD, c’est assez dramatique, je ne suis pas très fière de moi. Mais là je prévois m’y mettre intensément. J’ai pris le mois d’avril de vacance à l’usine 106U, en partie pour pouvoir consacrer beaucoup de temps à Chimeris. Ça m’avait prit 3 ans pour Chimeris –Sirus- et j’aimerais que ça ne me prenne un peu moins de deux ans pour celle-ci.

Mais en attendant, elle est sur mon blog, au moins.
Pour cette planche-ci, je vous conseille vraiment de retourner voir la planche précédente (au moins) pour pouvoir bien comprendre. C’est déjà assez énigmatique comme ça.
Dans cette composition, j’ai voulu jouer avec les regards pour installer la description et répondre à la question de Soblevsky dans la planche 11.

J’en profite aussi pour vous dire que Chimeris –Sirus- est maintenant disponible à la Fanzinothèque de Poitiers (une bibliothèque de Fanzine). Donc, si vous êtes français, et surtout si vous habitez dans le coin, vous pouvez maintenant aller lire ma BD là-bas pour la modique somme de: gratuit. J’ai rencontré les gens de la Fanzinothèque lors du Gala Expozine et je me suis fais un plaisir de leur offrir un de mes exemplaires.

dimanche 8 mars 2009

Accroupit dans l’œil du cyclone




J’ai fais ce dessin durant Expozine au mois de novembre dernier.
J’ai été nominée au gala Expozine pour la catégorie BD. Mais c’est « la terreur noir pâle » (C. Reney) qui a gagné. Je suis allé échanger une de mes BDs à l’auteure en allant la féliciter. Je confesse que je n’ai pas encore eu le temps de lire sa BD, mais ça a l’air excellent.

Je suis incroyablement heureuse d’avoir été nominée à ce gala. C’est comme si après plus de dix ans de travail acharné en BD, on reconnaissait enfin mon travail à l’égal des autres.

samedi 7 mars 2009

Le brise-lame des Mentalines

Aujourd’hui, j’ai plié mes bagages pour partir
Là où on ne peut pas s’ennuyer de l’été
Au sommet d’une montagne qui domine les neiges éternelles
Au bord d’un océan qui n’a plus de rivage



Quand nos vaisseaux se briseront sur des visages de pierres
Je noierai mon secret dans une petite bouteille


Saluer le soleil et sentir ses larmes devenir joyaux
Compagnon de mon incertitude


Oh, j’ai trop attendu, on m’a oublié
Jouer aux échecs avec une idole profane
Qui ne sait plus que perdre et mourir
Sont un autre nom du sommeil


Le guetteur s’éveille et découvre sur le sable
Qu’on a marché jusqu’à lui
Momifié par le sel
Une écharpe bleue rejetée par les vagues



L’homme de la mer
Laisse la marée te rejoindre
Pour dessiner les vagues
Jusqu’à ce qu’elles t’emportent.



Merci à Michel qui a posé pour nous à l’AIIQ.

dimanche 1 mars 2009

L’histoire d’Alphonse

Il était pétrifié dans une fresque d’émeraude et s’ennuyait beaucoup
Regardant le vert se fondre en lui, pour l’éternité
Attendant la lumière du dernier crépuscule
Il aurait vu, du fond des temps, des esclaves aux yeux d’or
Un vieille panthère, blessée, qui meurt seule.



Une petite improvisation à main levée, plume et encre.