Une grosse femme se promène dans un dépotoir
en portant sur son dos une gigantesque canne de conserve de bananes et sous ses
bras des kilos de briques de beurre enveloppées d’aluminium. Son petit garçon
lui dit : « Maman, tu ne vas pas manger ça? Tu es dégueulasse! »
Je m’appelle César et je suis toujours là.
Je prends une drogue et je m’assois contre une
poubelle au milieu des immondices. Je ne bouge jamais, je ne parle pas ni ne
mange ni ne dort. Je dessine parfois dans mon carnet. Et les gens trouvent que
j’ai l’air gentil comme la statue d’un saint. Ils disent que je suis un ange et
me nomment l’archange Michael. Une fille vient me voir qui fait un peu
d’embonpoint. Mais j’aime ses cuisses blanches et dodues. Je décide de la
suivre et j’oublie mon carnet.
Maintenant, on se promène dans la ville et
nous sommes toujours ensemble. Nous ne parlons jamais, ni moi avec elle, ni
elle avec moi. On ne mange pas et bientôt, on ne bouge plus. Nous sommes nus et
assis comme des chiens malades sur le bord du chemin, nos jambes croisées
devant nous pour cacher notre sexe. Nous sommes maigres, sales et couvert
d’escarres.
Soudainement, on devient très riche même si on
n’a jamais d’argent sur nous. Nous pouvons tout faire.
Nous allons dans la cuisine d’une pâtisserie
et mon copain prend de la pâte à biscuit aux brisures de chocolat dont il
tartine la porte d’un frigidaire pour la licher complètement. Comme c’est trop
riche et trop sucré pour son estomac qui n’a rien mangé depuis des semaines, il
tombe malade sur le sol et perd conscience. Mais je ne suis pas inquiète pour
lui, je sais qu’on ne peut pas mourir. Je suis plus délicate que lui et je
préfère prendre trois cupcakes au soya, sans gluten. Je les colle par la base
sur la porte du réfrigérateur pour les tartiner de glaçage. Le premier avec du
crémage blanc au citron, le deuxième en bleu au bleuet et le troisième rose
vieux rose à l’eau de rose. Les gâteaux sont superbement bons, moelleux,
spongieux, tendres et juteux. La pâte est rose et turquoise et parfois jaune.
C’est sublimissime!
Nous choisissons une destination soleil dans
des guides de voyage. On trouve une île tropicale complètement déserte. Elle
nous appartient. Nous sommes seuls. Il y a des têtes et des mains dans le
sable. Nous restons couchés sur la plage toute la journée à dorer sous les
rayons du soleil jusqu’à ce que notre peau soit brune, calcinée et toute vieillit.
Mon copain écrit qu’il m’aime en espagnol sur
le sable avec un bâton. Il écrit si gros que cela recouvre l’île en entier et
les avions peuvent le lire quand ils nous survolent. La nuit, nous allons
dormir dans des sarcophages de salon de bronzage. Durant notre sommeil, nos
têtes se détachent de notre corps pour aller s’embrasser et changer de corps,
j’ai la sienne et il a la mienne. Et c’est ainsi qu’il apprend que je suis
enceinte de lui.
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