C'était supposément un portrait de Gertrude dans Gormenghast
Je suis sur un bateau où a lieu un combat
naval contre un autre bâtiment. Pour faire fonctionner les canons il faut les
sortir complètement du bateau sur des planchettes de bois comme des plongeons.
Et ce sont des petits garçons qui arment
les artilleries. Un enfant grimpe sur le canon après chaque coup et il le
nettoie et l’enfourchant comme un cheval. Il doit y gratter une grosse couche
de calcaire qui s’y dépose tout le temps. C’est lui le timonier (dans mon rêve,
c’est ainsi qu’on l’appelle). C’est lui aussi qui met le boulet. Mais cette
fois-ci, il ne va pas le rentrer au fond de la bouche du mortier. Il le dépose en
avant, sur une sorte de manche en forme de grosse spatule qui sort de
l’orifice. Et ce n’est pas un boulet mais un casque d’armure aveugle à la
visière refermée. Et quand il arme le canon, le petit garçon devient tout pâle,
son visage comme un crâne et il tombe, inerte.
Le boulet n’est pas projeté mais
il flotte, luminescent et silencieux comme un fantôme, jusqu’au bateau voisin.
Une tête de squelette apparaît dans une transparence spectrale sur le boulet
qui est un heaume. Il plane au dessus du galion en illuminant les voiles de
symboles Haïdas, et tout l’équipage meurt, comme irradié. La mère du jeune
garçon, elle porte une robe amérindienne en cuir avec des franges, va sur la
plateforme du canon ramasser son enfant. Une tête de femme rousse échevelée
flotte au dessus de notre bateau, c’est une goule et c’est tout ce qui reste de
l’ennemie, qui sont des voleurs de corps. Ils volaient des corps d’enfant pour
en faire le trafic et les mettre sur des têtes de goules qui n’ont plus de
corps.
La petite sœur du garçon timonier n’a plus de
corps elle non plus. Je les mets tous les deux dans le panier de mon vélo pour
les amener. Mais mon vélo pédale tous seul, avec la tête de sorcière qui le
suit en volant. Ils disparaissent et je sais qu’ils sont guidés par la mauvaise
tête, j’ai peur qu’il ne leur arrive malheur alors je cours à leur poursuite.
J’arrive dans un village arabe au milieu du
désert. La tête a échouée sur l’auvent tout blanc d’un petit café, les cheveux
de la sorcière emmêlés dans les tas de
branches que le vent y a déposés. Elle est prisonnière. Des hommes entièrement
vêtus de blanc, avec tunique, sandale et une petite calotte au sommet de la
tête boivent le thé sur la terrasse, à l’ombre, comme on le conçoit d’une
terrasse de café dans le milieu du désert. J’entre dans l'établissement, qui est vide.
Il n’y a personne, même pas de meuble. Tout est en bois lambrissé et vernis.
Le
petit garçon est là, tout seul, debout, immobile devant la pénombre d’un
couloir. Il porte un masque en forme de tête de poupée gris. Je cours vers lui,
inquiète et je lui retire le gros masque boursouflé. Et j’ai des frissons de
terreur car en dessous il porte un autre masque de papier mâché fait avec des
journaux et en forme de crâne. Je le retire et en dessous le petit garçon est
vivant, il me sourit alors je le sers très fort dans mes bras. Il me dit que ce
n’est pas la goule qui les a conduits jusqu’ici mais un sage qui est venu les
chercher et qui retient maintenant la sorcière prisonnière.
La petite fille
arrive elle aussi mais elle a maintenant un tronc, deux bras et des jambes. Un
instant, je crains que ce ne soit l’œuvre des voleurs de corps. Mais le petit garçon
me dit que c’est le sage qui lui a donné vie. Je soulève la chemise de la
fillette. Bien que certaines parties de sa peau soit tout à fait humaine, il y
a des traces d’argile sèche sur le devant de sa poitrine laissant apparaître
des inscriptions magiques gravées, comme sur un golem. Je suis soulagée. Je ne
vois pas le sage mais le petit garçon m’explique que je devrai sculpter la
petite fille à chaque année car elle va grandir. Je commence à me pratiquer
tout de suite car je veux donner une silhouette parfaite à la petite fille. On
me donne un volume dont je dois recopier les formules pour les graver dans ma
sculpture. Je vais les recopier dans mon cahier de rêve et quand je les trace à
la plume, mon écriture est dorée et aussi brillante que des feuilles d’or.
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