Je vais vivre avec un forestier dans une
cabane en forêt. La cabane est mal isolée, construite de débris et matériaux
divers empilés et fixés un peu n’importe comment, laissant passer le vent et
l’humidité. C’est malpropre car nous devons garder nos bottes à l’intérieur
l’hiver.
Il fait froid, c’est la nuit et nous voulons dormir. Il me dit que la
fournaise au gaz tombe souvent en panne la nuit. Dans ce cas-là, il faut lui
rajouter de l’eau et faire attention de bien remplir le bon compartiment et de
ne pas renverser d’eau car cela pourrait être très dangereux. La fournaise
ressemble davantage à une glacière de plastique lumineuse et elle est rangée
dans un placard.
Mais c'est impossible de trouver le sommeil car on entend gratter sous le
plancher. Il me dit que ce sont des ratons-laveurs. Nous n’avons pas le choix
de les attraper et de les tuer car sinon ils viendront nous attaquer durant la
nuit. Il y en a plein dehors qui nous assiègent juste derrière la porte
d’entrée. C’est une porte pliante persienne, comme pour une garde-robe. Je
donne des coups de pieds dans la porte avec la bizarre idée d’assommer les
ratons en faisant ça mais je ne parviens qu’à défoncer les lattes de bois. Les
ratons féroces passent au travers du trou et je n’ai pas de couteau, comme le
forestier, rien d’autre que mes mains, pour les repousser. Je les attrape à
mains nues pour les égorger et les rejeter à l’extérieur mais ils me griffent
et me mordent les bras, je suis couverte de plaies. Mais elles ne saignent pas et ça ne fait pas mal donc
ce n’est pas vraiment grave.
Le forestier me fait visiter une autre partie
de sa maison. Comme si dans le fond sa cabane n’était que la rallonge d’une
bâtisse beaucoup plus grosse. Et c’est un grand rectangle de tôle sans fenêtre
et bien isolé, il ne fait plus froid, il fait même assez chaud. Et on se
promène dans des allées aménagées en déambulatoire avec des rampes et des
passerelles entre des terrariums comme au biodôme. C’est un laboratoire
expérimental. Ils font des expériences sur des tribus d’hommes primitifs qui
vivent là. Comme ils ont passé toute leur vie en captivité, dans ce milieu
clos, ils ne savent pas à quoi ressemble l’extérieur. Une sorte de grosse
gélatine bleue qui glisse au sol vient les attaquer périodiquement, c’est leur
prédateur. Il s’agit d’un organisme vivant, opaque comme du bleu outremer en
son centre et turquoise de cobalt sur la frange transparente et cristalline.
C’est de l’eau. Une eau acide qui se répand, capture les gens comme un blob et
les dissous.
Le frère du forestier a un chalet luxueux au
milieu de l’eau. La seule façon d’y accéder est de marcher dans l’eau. Mais
c’est une eau qui brûle. Sauf que comme on n’est pas supposé y rester
longtemps, c’est correct. Le soleil fait miroiter les reflets des vagues sur le
sol terreux et ocre au fond de l’eau. Et plein de créatures vivantes s’y
promènent, comme des caméléons avec des ailes de libellules.
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